Le couteau est le prolongement du bras de toute cuisinière et de tout cuisinier. Cuisinier de formation, Marco Guldimann passait lui aussi plusieurs heures par jour le couteau à la main. Et comme, de son propre aveu, il a toujours besoin de savoir comment les choses fonctionnent exactement, il a commencé à s’intéresser de très près à son outil de travail de tous les jours, le couteau, lorsqu’il était cuisinier et avant même d’avoir achevé sa formation à l’école hôtelière. Bien vite, ses lectures sur l’acier, l’aiguisage et les formes de lames ne lui ont plus suffi. C’est ainsi qu’il a forgé son premier couteau sur la minienclume d’un étau en 2007. «Enfant, je construisais des modèles réduits d’avions et des arbalètes et, ma foi, à un moment donné, j’ai fabriqué un couteau», raconte-t-il en riant.
Le plaisir de créer de ses mains
Aujourd’hui, onze ans et de nombreux couteaux plus tard, neuf couteaux très particuliers sont exposés dans une vitrine de l’atelier de Marco Guldimann à Zurich. Aux yeux du profane, il s’agit de belles pièces; pour le coutelier, ce sont des travaux imparfaits. Mais chacun d’entre eux était important dans le parcours du coutelier, entièrement autodidacte dans son métier. Il a d’ailleurs aussi construit ou transformé à son idée la plupart des machines de son atelier. D’une manière générale, le progrès et l’inventivité sont omniprésents dans la coutellerie de Marco Guldimann. Celui qui s’attend à découvrir ici un artisanat grossier et salissant fait fausse route. Bien des étapes de la fabrication d’un couteau exigent un travail de précision, beaucoup de matériaux sont high-tech et le produit fini est un «couteau de cuisine ultra performant», pour reprendre les termes du coutelier.
«Chaque couteau est unique, de la lame au manche.»
Travail sur mesure pour l’éternité
Mais qu’est-ce qui rend ces couteaux si uniques? «Mes couteaux sont fabriqués à la main de A à Z», explique Marco Guldimann. «Mais cela ne signifie pas que je travaille exclusivement au marteau. Pour l’usinage de l’acier, je m’aide d’une presse à vis de 1964 qui peut exercer une pression d’environ 80 tonnes. J’obtiens ainsi des outils qui, avec un entretien approprié, durent toute une vie.
Cela signifie principalement que mes couteaux restent acérés plus longtemps que la moyenne et que la lame est extrêmement résistante aux marques d’usure.» Mais le trenchant et la durabilité sont loin d’être les seuls atouts des couteaux de Marco Guldimann: «De la lame au manche, chacun de mes couteaux est une pièce unique, adaptée dans les moindres détails aux exigences et à l’anatomie de mes clientes et clients.» Un couteau bien équilibré offre une prise en main parfaite, il n’est ni trop lourd, ni trop léger, la lame est adaptée à l’utilisation, et le manche à la main et à la technique de coupe de la personne qui s’en sert.
Un tel couteau permet d’économiser de la force, donc de travailler de façon précise et sûre.
Un couteau pour Yanick
Ancien membre de l’équipe nationale des cuisiniers et chef à la Stiftung für Betagte à Münsingen, Yanick Mumenthaler adhère à ce point de vue et il sait de quoi il parle. Les outils de Marco Guldimann l’ont si bien convaincu qu’il soutient régulièrement la participation du coutelier zurichois à des salons professionnels. Bien entendu, le couteau de Yanick Mumenthaler est aussi en grande forme en dehors de ces événements: «La particularité de ce couteau réside dans le fait qu’il reste extrêmement performant très longtemps. Je l’ai depuis six mois et il coupe encore comme au premier jour.» Cette capacité de coupe plus longue que la moyenne est due au fait que Marco Guldimann consacre beaucoup de temps à la fabrication de l’acier et le forge à des températures inhabituellement basses. Entièrement en acier damassé, la lame de Yanick Mumenthaler est par conséquent très dure et ne s’use presque pas. En même temps, le tranchant est suffisamment résistant pour pouvoir être aiguisé et réaffûté pendant des années sans en souffrir. Mais ces avantages ont un coût: le couteau de Yanick Mumenthaler vaut 3600 francs, et il a fallu 53 heures de travail à Marco Guldimann pour le réaliser.
Dans l’atelier de Marco Guldimann, la fabrication d’un couteau commence par un entretien, ici avec Yanick Mumenthaler.
Pour l’esquisse, le coutelier se renseigne sur l’utilisation du couteau et analyse la technique de coupe de son client.
Le travail à chaud avec de grandes forces est l’une des nombreuses étapes: il s’agit de préparer l’acier.
La lame ne prend pas sa véritable forme sous le marteau de la forge, mais au moment du meulage.
Pour donner la touche finale et du tranchant à ses couteaux, il se sert d’un affûteur high-tech ultraprécis.
Couteau haut de gamme ou de série?
Le coutelier a bien conscience de proposer un produit de niche. Il compte parmi ses clients des professionnels comme Yanick Mumenthaler ou Rebecca Clopath, mais aussi des cuisiniers amateurs et des passionnés de couteaux. Autrement dit une clientèle en quête d’un article de très grande valeur, que ce soit pour le travail ou les loisirs.
«Bien sûr, il n’y a pas que les couteaux haut de gamme qui coupent bien, il existe aussi de bons produits de série», explique Marco Guldimann. Et d’indiquer qu’on peut partir du principe qu’un couteau plus cher – à partir de 300 francs environ – offrira une valeur ajoutée perceptible.
«Si l’on envisage de s’acheter un tel couteau, il faut commencer par déterminer à quoi il servira prioritairement», préconise l’expert. «Il est également judicieux de se fixer un budget, car la fourchette de prix des couteaux est énorme.» Pour tout le reste, il recommande de demander conseil à un magasin spécialisé dans la coutellerie. Seul un professionnel peut en effet fournir une aide adéquate dans le choix du matériau, de la taille et du type de couteau.
Tous les couteaux ne se ressemblent pas
Lorsque l’on demande à Yanick Mumenthaler s’il travaille désormais exclusivement avec son couteau Guldimann, sa réponse est claire: «Un couteau universel peut servir à beaucoup de choses. Mais, et cela n’a rien à voir avec la qualité, certaines utilisations requièrent une lame spécifique.» Un avis que partage le coutelier: «Un couteau universel est toujours une solution de compromis; théoriquement, chaque domaine d’utilisation a son couteau dédié.» Prenons l’exemple de la transformation de viande: du couperet au couteau à désosser, en passant par le couteau à découper ou à volaille, les outils spéciaux sont innombrables. Chacun possède une lame à la géométrie différente, particulièrement bien adaptée à des utilisations définies. «Plus un couteau est spécifiquement conçu pour un usage, plus sa performance de coupe est élevée», résume Marco Guldimann. «Une coupe performante rend non seulement le travail plus sûr, elle ménage aussi les aliments: ils ne sont ni écrasés ni déchirés. Leur goût ne reste pas sur la planche à découper, mais finit dans l’assiette.»
Petit guide d’entretien des couteaux
Aiguiser ou affûter
Une pression trop forte, un angle inapproprié ou un mauvais fusil abîment le fil de la lame. Marco Guldimann conseille de se faire montrer la bonne technique pour chaque couteau par un spécialiste.
Rémouler
Quand même l’affûtage ne suffit plus à donner un tranchant perceptible à la lame, il faut s’adresser à un professionnel. Celui-ci affinera les flancs de la lame. Cela permet au fil de la lame de retrouver un bon tranchant.
Nettoyer
Pour nettoyer un couteau, il suffit de le passer sous l’eau tiède et de le frotter légèrement avec les doigts et un peu de savon. Les règles pour les couteaux faits à la main: «Lave-vaisselle interdit!» et «Séchage obligatoire!».